Série MDPH : des droits, avec les moyens du bord et pour pas trop cher

Série MDPH : des droits, avec les moyens du bord et pour pas trop cher

Les trop nombreuses violations des droits des personnes handicapées par les MDPH

Publié le 2 juillet 2024 par Franck Seuret - Faire Face

  • Une MDPH qui refuse l’AAH mais la justice qui l’accorde.
  • Des heures d’aide humaine largement en deçà  du nombre attribué après passage devant le tribunal.
  • Des pressions pour imposer au mari d’une allocataire le statut d’aidant dédommagé au lieu de celui de salarié. 

La série de témoignage que Faire-face.fr a recueillis n’est hélas qu’une illustration des fréquentes violations des droits des personnes handicapées. Avec, aux manettes, les MDPH.

Dédommagement à un tarif horaire inférieur

En 2021, une enquête du collectif Handi-actif montrait déjà que deux parents sur trois titulaires de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH) percevaient un dédommagement à un tarif horaire inférieur à celui auquel ils pouvaient prétendre. Les droits de ceux ayant opté pour la PCH étaient également bafoués. En effet, le complément de 4e catégorie leur était trop rarement accordé.

Bafoué, le droit de passer devant la CDAPH

Déjà en 2016, un autre collectif avait montré que les MDPH ne respectaient pas de nombreuses dispositions légales censées permettre un réel échange avec les familles. Sept fois sur dix, elles ne leur avaient pas envoyé le plan personnalisé de compensation (PPC) élaboré par l’équipe pluridisciplinaire d’évaluation. De plus, la moitié des répondants n’avaient pas obtenu d’assister à la séance durant laquelle la Commission des droits et de l’autonomie (CDAPH) allait examiner leur dossier.

Des temps de traitement supérieurs aux délais légaux

Quant aux délais légaux de traitement des dossiers – quatre mois maximum, ils ne sont que très rarement respectés. La 13e édition du baromètre des MDP, , rendue public en janvier 2024, montre ainsi que les citoyens en situation de handicap doivent attendre 4,8 mois, en moyenne, toutes décisions confondues. Dans le Calvados, il faut même patienter 8 mois !

Un grand manque de personnels dans les MDPH

En cause, le manque de personnel. « Certaines MDPH doivent faire face à une véritable pénurie de professionnels, déplore Florence Magne, la présidente de l’Association nationale des directeurs de MDPH. Elles pâtissent du manque d’attractivité de nos métiers. » Dans le Nord, par exemple, le département le plus peuplé de France, la MDPH/MDA ne disposait que 228 postes équivalents temps plein en 2022 . Pourtant, 244 étaient budgétés.

Au-delà de ces difficultés de recrutement, conjoncturelles, les MDPH sont, structurellement, sous-dotées en personnels. C’est le constat des deux sénateurs qui ont consacré, en 2021, un rapport parlementaire à leur fonctionnement. Arnaud Bazin et Éric Bocquet plaidaient alors pour «  un renforcement structurel de leurs moyens financiers et humains ». Car le nombre de demandes, lui, ne cesse d’augmenter. Il est en effet passé de 4,25 millions en 2015 à 4,8 millions en 2022.

Des dossiers trop vite instruits

Résultat, les équipes pluridisciplinaires – une formulation pompeuse pour des équipes souvent constituées au mieux de deux personnes – survolent les dossiers. « Le temps d’instruction varie entre cinq minutes et vingt minutes par dossier », pointait la Cour des comptes en 2019. L’organisation de visites médicales ou même d’entretiens est, elle, devenue rare, voire exceptionnelle.

« Les équipes font une proposition pour la CDAPH qui sera enregistrée informatiquement, et qui équivaut de facto à une pré-décision », notent les magistrats. Les commissions les valident en effet sans examen en séance dans 95 % à 98 % des cas.

Des agents insuffisamment formés… sur le tas

« Le cœur du dispositif d’attribution des droits repose en fait sur la seule instruction effectuée au préalable par les équipes d’évaluation des MDPH », poursuit la Cour des comptes. Or, ces dernières ne sont pas assez formées. Elles « témoignent, de façon récurrente, du peu de formations reçues – voire de leur quasi absence. (…) L’essentiel de la transmission des connaissances et des pratiques se fait en poste et sur le terrain. »

Alors, forcément, il y a de la déperdition… « Chacun a ses croyances, sa propre interprétation de la réglementation, souligne Emmanuel Loustalot, le responsable national de la mission mandataire d’APF France handicap. Et puis, il y a toujours le risque d’avoir à faire à un chef zélé qui va chercher à baisser les plans d’aide pour se faire bien voir par le département, le principal financeur de la PCH. »

Contenir la montée en charge de la PCH

Car le non-respect des droits s’explique aussi par une volonté de maîtriser les dépenses. De « contenir la montée en charge de la PCH », selon les mots mêmes du département du Nord qui ne s’en cache pas, comme le démontrait Faire-face.fr dans un article publié en 2021.

Quitte à tailler dans les plans de compensation attribués aux personnes ayant de fortes limitations d’activité. « Et c’est une tendance de fond dans de nombreux départements », souligne Malika Boubékeur, la conseillère nationale compensation d’APF France handicap.

Les conseils départementaux interprètent d’ailleurs la réglementation existante à leur guise. Vous déménagez ? Certains vont alors procéder systématiquement à une révision de la PCH– l’Ain, la Dordogne, la Meuse. En revanche, d’autres, comme les Landes ou le Finistère, considèrent que le seul fait de déménager n’implique pas une nouvelle évaluation. Un exemple parmi tant d’autres.

Des économies insignifiantes… mais des conséquences dramatiques

Pourtant, le poids financier de la PCH reste relativement limité. En 2021, selon les données rendues publiques par l’Assemblée des départements de France (ADF), la PCH équivalait à 3,7 % de leurs dépenses de fonctionnement.

Et encore, faut-il déduire la part que la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) rembourse aux départements, soit 28 % selon les données de la Drees. Cet ajustement fait, le poids réel de la PCH tombe à 2,7 %. Elle sert quasi-intégralement (94 %) à financer de l’aide humaine.

La PCH n’est donc pas un gouffre financier pour les départements. Et la réduction des heures d’aide humaine donc insignifiante dans leurs budgets. Mais elle peut avoir des conséquences dramatiques pour la vie des personnes en situation de handicap. Il faut revenir aux droits, rien qu’aux droits.

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